« La captation par téléphone portable est une sorte de révolution »

Michel Royer est un documentariste très en vue. Il a notamment obtenu un César en 2007 pour Dans la peau de Jacques Chirac, réalisé avec son complice Karl Zéro. Ce membre illustre du jury de Takavoir nous a accordé un entretien passionnant sur la pratique de son métier.

Pouvez-vous décrire votre parcours ?
J’ai débuté dans la profession en réalisant des sujets hebdomadaires sur l’histoire de la télé dans le magazine de Michel Denisot Télés dimanche sur Canal +, entre 1992 et 1996. Quelques années auparavant, en 1987, j’avais organisé à la Grande Halle de la Villette une exposition d’arts plastiques sur l’importance de la télé dans la mémoire collective : Les allumés de la télé. Par passion, j’étais devenu un spécialiste de l’histoire du petit écran…

Comment choisissez-vous vos sujets ?
Dans la plupart des cas ce sont des propositions qui me sont faites, venant des chaînes de télé ou de producteurs. Je les accepte si le thème proposé me passionne, me correspond suffisamment pour que j’ai la motivation de faire le maximum.

Les personnages politiques ont-ils réagi à vos œuvres ?
Rien d’officiel et rien de la part de ceux dont j’ai fait un portrait (Chirac, Bush, Jospin…). Dans quelques projections publiques du film sur Chirac, j’ai entendu les réactions d’autres hommes ou femmes politiques, de gauche et de droite, qui s’étaient en général vraiment marrés et qui trouvaient le portrait en dessous de la réalité…

Pouvez-vous rappeler ce qui distingue la démarche d’un documentariste de celle d’un journaliste reporter ?
C’est la durée de fabrication et de maturation qui, en principe, distingue les 2 métiers, les 2 formes d’expression. Le reporter en général travaille vite et à chaud sur des événements, le documentariste prend plus de temps pour réfléchir à l’angle d’attaque d’un sujet, contacter les personnes à filmer et faire le montage…en principe. En général, les formats des films sont différents, court pour le reportage et long pour le documentaire…

Pour les œuvres réalisées en commun avec Karl Zéro, comment vous répartissez-vous le travail ?
Nous avons fait 3 films et à chaque fois la répartition était différente. Disons qu’en gros je fais le travail de fond, la recherche d’images avec des documentalistes, les trames du montage et le sens général. Karl intervient ensuite, en se concentrant notamment sur le texte (c’était le cas sur Chirac). Le truc, c’est que nous validons tout ensemble, rien ne se fait sans notre accord commun, et donc, nous discutons à fond de tout, images, sons, textes, musiques, effets, intentions…

Considérez-vous l’image comme un élément central de vos travaux ou un support ?
Je suis un passionné des images et surtout des images d’archives. Même lorsqu’elles sont un moyen, un support pour exprimer quelque chose (une idée, un sentiment) je préfère les images fortes, signifiantes, spectaculaires, et qui fonctionnent par elles-mêmes, au delà de mes seules intentions. Les images ont leurs propres valeurs intrinsèques. Je n’ai jamais peur d’utiliser une image pour l’image.

Filmez-vous vous-même ?
Non et je ne prends pas le son non plus. Je le regrette un peu, mais je suis arrivé dans ce métier par les archives, et la plupart du temps, je travaille sur la base d’une recherche d’archives et avec des images que je n’ai pas faites moi-même. Je n’ai pas souvent besoin de fabriquer des images. Si je peux m’en passer, ce n’est pas plus mal. Tout dépend du thème traité, de la qualité des archives existantes sur le sujet. En général, réaliser des images est une conséquence de l’absence d’archives.

Que pensez-vous des nouvelles technologies de captation ?
C’est génial ! Ca bouge, ça évolue, ça se miniaturise, se simplifie (dans les usages) et se sophistique (dans les possibilités). Ca se démocratise, se généralise. Tout nouveau moyen d’expression est intéressant en soi. Il produit des styles, des usages, des possibilités, des idées et des talents nouveaux. Sans forcément enlever leur utilité aux anciens moyens d’expression. C’est du plus, du mieux, du complémentaire et du différent…

Le téléphone portable a-t-il apporté quelque chose à la production de films en général ?
Pour ce qui est du reportage, du documentaire, du film auto produit, du court métrage et du buzz informatique, c’est une sorte de révolution. Elle commence à peine. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises dans ce que le téléphone va nous permettre de voir dans les années qui viennent.

Pensez-vous qu’il soit possible d’envisager la réalisation de documentaire avec ce type d’outil ?
Absolument. J’ai vu cet été un documentaire de 60 minutes entièrement réalisé avec un téléphone. Réalisé clandestinement par une femme, il décrivait la vie quotidienne à Téhéran. La qualité de définition des images n’était peut-être pas toujours au rendez-vous, une fois le film transposé sur grand écran, mais l’intérêt y était totalement. Ce film est fascinant, et extraordinairement instructif. Et impossible à faire avec une caméra.

Avez-vous déjà participé à ce type de festival ?
Non, c’est une première pour moi…

Quelles sont vos attentes pour Takavoir ?
Une bonne ambiance, des découvertes et des bonnes surprises, des discussions intéressantes, des rencontres de qualité…

Avez-vous des requêtes à formuler ? Des messages à faire passer ?
Pas de requête, je suis sûr que tout se passera parfaitement bien. Un message d’encouragement aux participants et aux organisateurs de Takavoir, je suis ravi d’imaginer l’activité que le festival engendre, autour de Niort et ailleurs…

Connaissez-vous les autres membres du jury ?
Non, j’ai hâte de faire leur connaissance ! (NDLR : sauf Pascale Faure bien sûr, qui n’est autre que l’épouse de Michel !)